mercredi 16 juin 2010

ALPHAVILLE - JEAN LUC GODARD


Dans une époque postérieure aux années 1960, les autorités des «planètes extérieures» envoient le célèbre agent secret Lemmy Caution (Eddie Constantine) en mission à Alphaville, une cité déshumanisée, éloignée de quelques années-lumière de la Terre. Caution est chargé de neutraliser le professeur von Braun, le tout-puissant maître d'Alphaville, qui y a aboli tous les sentiments humains. Un redoutable ordinateur, Alpha 60, régit toute la ville. Un message de Dickson, un ex-agent secret, ordonne à Lemmy de «détruire Alpha 60 et de sauver ceux qui pleurent». Mais ce dernier est enlevé, interrogé par Alpha 60 et condamné à mort...

ALPHAVILLE est l'un des rares films français de SF ! Réalisé en 1965 par Jean Luc Godard, il n'en a pas moins bien vieilli. Ici, on erre dans le labyrinthe étouffant d'une ville tentaculaire et inconnue, la nuit. Des néons clignotent "nord" et "sud", et les habitants d'Alphaville perdent le sens de mots comme « conscience ». Ce film rappelle beaucoup 1984 de George Orwell. On retrouve donc dans Alphaville le fameux "Big Brother" (ici nommé "Alpha 60"), le déni des sentiments amoureux, une variante de la double-pensée ainsi qu'un appauvrissement progressif et forcé de la langue. Reste que si les points communs sont nombreux, la finalité des 2 œuvres n'est pas vraiment la même. En effet, là où Orwell livrait une histoire très politisée et axée sur la dénonciation d'un régime totalitaire, Godard use des mêmes images/idées pour nous livrer une réflexion d'ordre philosophique, voire poétique. ALPHAVILLE met ainsi en scène la lutte entre la logique et l'émotionnel, l'opposition des mathématiques et de la langue, l'incapacité à retranscrire l'émotionnel grâce au cartésien. «Alpha 60» étant la machine, l'humanité est bien évidemment représentée par un Lemmy Caution attaché aux mots, aux écrits, aux sensations et aux sentiments. Alphaville peut également à certains égards faire penser à certains épisodes de Chapeau Melon et Bottes de Cuir (avec Emma Peel). La voix d'«Alpha 60» (celle d'un homme ayant subi une trachéotomie, qui m'a personnellement gênée voire agacée) accompagne par ailleurs le récit et dispense en «off» quelques réflexions, lesquelles pourraient être autant de passionnants sujets de dissertation. Anna Karina, superbe muse de Godard, donne vie à un personnage aussi fascinant que froid. Il faudra attendre le plan final pour que son visage s'illumine et laisse enfin transparaître l'humanité, alors que le couple fuit une Alphaville laissée en plein chaos. Bien qu'il soit souvent considéré comme mineur dans la filmo de Godard, ALPHAVILLE n'en est pas moins une œuvre foisonnante et ambitieuse, qui m'a beaucoup plu !!

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