lundi 18 octobre 2010

JUNKY - W.S. BURROUGHS


En 1952, Ginsberg apprend à W.S. Burroughs qu'il n'était pas parvenu à convaincre New Directions Press de publier le récit de Burroughs sur sa vie de toxicomane. Cependant, Carl Solomon, un de ses amis, travaille désormais comme éditeur à New York chez A. A. Wyn, l'entreprise de son oncle. Solomon persuade ce dernier de publier les mémoires de Burroughs. En avril, Wyn accepte de publier Junk. Le titre est changé en Junkie, et Ginsberg, à la demande de Solomon, accepte d'écrire la préface du livre. Celui-ci va faire scandale en bousculant l'establishment américain.

Dès la première page, on est emporté dans une autre époque, les années 50, un autre lieu, les Etats-Unis, et surtout à une autre vitesse, celle de la vie d'un drogué, ce temps qui n'existe que pendant le manque ou la recherche d'une dose et se fige lors des flashs. Telle est la vie menée par William Lee. Précédée d'un prologue dans lequel il expose les traits principaux de sa famille sans histoires, on plonge très rapidement dans l'horreur de la "came". Le narrateur se fait en effet un plaisir de nous en conter les moindres détails : les effets diffus de la première dose, l'envie fourbe de recommencer, le nombre précis de fois où il faut se piquer pour s'accrocher, les désintox home made avec d'autres drogues (benzédrine, codéine, ...), le système d'ordonnances. Stylistiquement parlant, Junky se veut tout ce qu'il y a de plus sobre, simple et dépouillé du coup le livre se lit vraiment d'une traite. L'aspect sociologique (comme pour la plupart des livres issus de la Beat Generation) de ce récit en est la principale richesse. On observe que le banditisme prenait des formes presque grotesques : vol sur soûlards endormis, revente de drogues à crédit, ... mais aussi que la politique menée contre la drogue et les drogués dans les années 40 était ultra répressive (le gouvernement va jusqu'à engager des policiers accrocs pour prendre les camés sur le fait, les indic' tiennent une place importante dans le démantèlement des réseaux mais n'échappent pas à la prison à un moment ou à un autre). On est surtout dans le côté sordide de New York (puis la Nouvelle Orléans, le Texas et Mexico mais toujours dans le même milieu)  : drogue, alcool, homosexualité (Burroughs effleure pudiquement le sujet), appartements miteux, ... William dresse d'ailleurs une galerie de portraits assez glauque : petits bonhommes flasques, crânes chauves, ... Du point de vue de l'histoire proprement dite, le personnage n'évolue pas vraiment, il passe de dépendance en dépendance, pris dans un cercle vicieux, souhaitant toujours découvrir de nouvelles sensations là où il ne découvre que souffrance ou manque. Concernant l'aspect autobiographique de l'histoire, il n’apparaît en fait qu'en filigrane, le meutre (accidentel) de sa femme par exemple est totalement éludé "Ma femme et moi sommes séparés" déclare-t-il. Junky est un roman expérience, on y retrouve un rythme éffréné, la recherche de limites propres à la Beat Generation et ce questionnement de sens qui ne trouve jamais d'issue. Passionnant ! J'ai hâte de lire d'autres livres de Burroughs mais aussi de m'attaquer plus sérieusement aux oeuvres de la Beat Generation ( Je n'ai lu que Kerouac pour l'instant (il y a un petit moment maintenant) et j'ai vraiment adooooooooré !!).

"A paranoid is someone who knows a little of what's going on. A psychotic is a guy who's just found out what's going on".


Hal Chase, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William S Burroughs, Morningside Heights, New York City,  late 1944 or early 1945.

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