vendredi 11 mars 2011

LE BRUIT ET LA FUREUR - WILLIAM FAULKNER


Le Bruit et La Fureur est un récit qui ne ressemble à aucun autre ... Non pas que l'histoire ou les thèmes abordés soient inattendus, mais c'est leur retranscription qui surprend ... Le Bruit et La Fureur évoque ainsi un vaste drame familial , avec comme toile de fond les États-Unis au bord de la crise économique de 1929 (l'essentiel de l'action se déroule en avril 1928) (c'est pour cela je pense que je n'ai pu m'empêcher de penser A L'Est d'Eden de Steinbeck en le lisant).  Faulkner a réellement bouleversé l'académisme narratif en plaçant son récit sous le signe du monologue intérieur, un monologue d'abord "confié" à un simple d'esprit passablement dépassé par les évènements qui se déroulent autour de lui. Confusément, les images qui lui parviennent font remonter ses souvenirs : il brosse de façon impressionniste et chaotique l'histoire douloureuse de sa famille. Vient ensuite le moment d'écouter les confessions de Quentin, son frère, exposant les raisons qui le pousseront à se donner la mort. D'amours déçues en déchirements, la fratrie (qui compte un 3ème membre ayant lui aussi son monologue) se désagrège

Le Bruit et la Fureur est connu pour sa difficulté de lecture engendrée par sa technique de narration multiple, avec un enchevêtrement infini de flash-backs, de digressions, d'errances, de flash-forwards et de pièges (2 Quentin, 2 Jason), l'absence de ponctuation et des phrases qui ne se finissent pas (dans le sens proustien et dans le sens grammairien) et je dois avouer que je ne suis pas passée entre les mailles du filet, c'est réellement un des livres les plus complexes qu'il m'ait été donné de lire ces derniers temps ! 

Le Bruit et la Fureur se veut un récit du désordre de l'esprit. Le bruit et la fureur des âmes tourmentées. En cela la première partie du roman est inégalable. Elle est rédigée en suivant le point de vue de Benjy, un simple d'esprit, au cœur de la tourmente des tragédies qui se déroulent au sein de la propriété familiale. Le narrateur passe du coq à l'âne, guidé par ses souvenirs et sensations. Une odeur, un lieu ou un mot va lui faire penser à un moment de sa vie qu'il va commencer à narrer. Ainsi, le roman se découpe en paragraphes décrivant des époques et des lieux différents. La distinction de ces souvenirs est rendue plus aisée par la mise en italique des paragraphes associés. La mise en forme de la narration est à l'image du narrateur : peu structurée et très émotionnelle. Le Bruit et La Fureur débute ainsi dans un étrange chaos.  
La seconde partie suit la journée et les pensées de l'un des frères de Benjy, Quentin, et ce 18 ans avant le 1er quart du récit. Suicidaire, celui-ci erre en ressassant ses tourments. Là encore, les pensées d'un esprit dépressif, torturé, au bord de la mort, surgissent, disparaissent, nous perdent.
 La 3ème partie se déroule dans l'esprit de Jason, le frère jaloux, violent et détestable de Quentin, Benjy et Caddy (la jeune sœur, dont le destin est la clef de tout le roman). Désormais en charge de la famille, Jason nourrit une haine sans limite pour la fille de Caddy (elle aussi prénommée Quentin). 
Comme chaque chapitre, l'action ne dure qu'une journée mais le puzzle se met lentement en place. La narration devient de plus en plus "normale", s'autorisant encore par moments quelques écarts qui donnent toujours autant l'impression d'être en prise directe avec l'esprit des protagonistes. 
Enfin, dans une 4ème partie, Faulkner adopte un style "classique". Celui du narrateur extérieur. Le bruit et la fureur des chapitres précédents tendent à s'apaiser. Avant de ressurgir dans les derniers instants du récit, lors d'un "dénouement" qui laisse le lecteur sans voix. 
Le bruit et la fureur est, contrairement à ce qu'on pourrait croire, extrêmement bien ficelé et cohérent. Tous les épisodes ou bouts d'épisodes narrés s'imbriquent entre eux au fil de la lecture. Mais la compréhension totale de tous ces épisodes n'est pas la finalité du roman. La beauté de ce livre réside dans l'émotion et la pertinence des sensations et images perçues par le lecteur, exacerbées par l'écriture sensitive et elliptique de Faulkner. Le Bruit et la Fureur est certes un classique qui n'est vraiment pas facile d'accès mais il vaut vraiment le coup qu'on s'accroche !

LE BRUIT ET LA FUREUR, WILLIAM FAULKNER

Le titre du roman est une référence à la pièce de théâtre Macbeth, de William Shakespeare (acte 5, scène 5) :
  • Version originale (anglais)
Life […]: it is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury
Signifying nothing..
  • Traduction :
La vie […] : une fable
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien.

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