jeudi 10 novembre 2011

LA CLOCHE DE DETRESSE - SYLVIA PLATH


Esther Greenwood, 19 ans, est à New-York avec d’autres lauréates d’un concours de poésie organisé par un magazine de mode. De réceptions en soirées passées pour tuer le temps, ce sont quelques jours d’une existence agitée et futile que vit la narratrice. En même temps, elle se souvient de son enfance, de son adolescence d’étudiante américaine, des amours qu’elle a connues. Tout bascule lorsqu’Esther quitte New-York.

La Cloche de Détresse est l'unique roman de Sylvia Plath tout d'abord publié sous le pseudonyme de Victoria Lucas en 1963, un mois avant la mort de son auteur. Il s'agit d'un roman d'inspiration autobiographique, dans lequel les noms des lieux et des personnes ont été changés afin d'éviter toute polémique. Après le suicide de Sylvia Plath, le roman a été de nouveau publié, sous sa véritable identité cette fois, et cela a causé de véritables levées de boucliers ... 

Dés les 1ers chapitres qui relatent le tourbillon de frivolité, la pluie de cadeaux et de privilèges, les cocktails et soirées mondaines, on sent qu’Esther ne se s'amuse pas vraimentUne légère mélancolie et amertume traversent déjà sa voix qui ne parvient pas à être aussi insouciante que celle de son amie Doreen. Esther apparaît en léger décalage, n’étant pas dupe de tout ce monde factice. 
Je me sentais très calme, très vide, comme doit se sentir l’œil d’une tornade qui se déplace tristement au milieu du chaos généralisé.
Elle nage dans une certaine confusion angoissante sur son avenir, écartelée entre sa vocation littéraire, les contingences matérielles et le rôle modèle d’une femmes de l’époque. Rien ne laisse pourtant présager la suite ... La Cloche de Détresse m'a par certains côtés fait penser à Bonjour Tristesse de Françoise Sagan à ceci près que je me suis 1000 fois plus identifiée à Esther qu'à Cécile ... notamment car ses questionnements, ses doutes, ses envies, je les connais ou les ai connus . 

Le retour dans la banlieue morne familiale, les retrouvailles avec sa mère, secrétaire, qui l'informe de son refus à sa classe de littérature sur laquelle elle comptait énormément et qui surtout la harcèle avec les cours de sténo. Esther décrit alors l’environnement confiné peuplé de mères au foyer et de leur marmaille. Cette destinée la hante, elle la rejette tout en étant attirée par sa normalité. Son sentiment de confusion, d’oppression et d’incompréhension de la part de son entourage s’amplifie. C'est à ce moment là que le roman bascule ...
pourquoi je ne pouvais pas dormir, pourquoi je ne pouvais pas lire, pourquoi je ne pouvais pas manger et pourquoi tout ce que faisaient les gens me semblait tellement vain puisqu’au fond, ils allaient tous mourir.
Sylvia Plath dépeint cresccendo le naufrage psychique dans lequel sombre petit à petit son héroïne. Le spectre de la mort plane et finit par s’infiltrer partout. On ne voit pas forcément venir le drame car au fond, Esther ne semble pas plus malheureuse qu’une autre, tout juste un léger spleen. Mais le mal-être d'Esther se révèle finalement plus profond, souterrain et vicieux. Sylvia Plath nous montre en effet subtilement qu’il n’y a pas forcément de raison précise à cet instinct de mort ... 

S’ensuit une plongée plutôt effroyable dans l’univers des hôpitaux psychiatriques de l’époque ... Le traitement par électrochocs m'a toujours soulevé le coeur ... L'auteur reste relativement floue quant aux traitements subis (exception faite de sa première et 2ème séance d’électrochocs justement), se concentrant davantage sur l'évolution mentale d'Esther et notamment sur la déformation progressive de sa perception extérieure qui oscille entre paranoia et désespoir. 

Sylvia Plath excelle dans la restitution de la douleur physique et mentale. La métaphore de la cloche de verre par exemple exprime particulièrement bien le mal qui la ronge.
nous ferons comme si tout cela n’était qu’un mauvais rêve.
Un mauvais rêve.
Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vidé et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n’est qu’un mauvais rêve.
Les descriptions de ses tentatives de suicide sont marquantes. La scène de sa chute de ski avec son petit ami Buddy qu’elle ne supporte plus, sonne de façon magistrale le premier signal d’alarme.

Si l'histoire en elle-même est dramatique, touchante, c'est aussi et avant tout le style de Sylvia Plath qui donne toute sa valeur à ce livre, un style élégant, extrêmement poétique et expressif. Un chef d'oeuvre à ne pas manquer, tout simplement. (je le classe définitivement dans ma liste de livres préférés).

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