dimanche 27 mai 2012

ON THE ROAD - WALTER SALLES


Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes ...

Réputé inadaptable, la version ciné de Sur La Route a failli ne jamais voir le jour. Dès la parution de son livre en 1957, Kerouac a le désir de voir son roman porter sur grand écran. Il se propose même de réaliser l’adaptation. Alors qu’il s’imagine se glisser dans la peau de Sal Paradise, il implore Marlon Brando d’incarner son héros Dean Moriarty mais ses supplications restent vaines. Francis Ford Coppola, fan du livre, décide d’en racheter les droits. Il propose au plus beat des cinéastes français d’alors, Jean-Luc Godard, de se charger de la réalisation mais ce celui-ci refuse. Puis Gus Van Sant est un temps envisagé jusqu’à ce que Walter Salles, auréolé de son beau Carnets de voyage (2003), récupère le projet. 


Adapter le chef d'oeuvre de Kerouac, On The Road, était donc un pari drôlement risqué ... que Walter Salles a relevé de manière très convaincante ! Je ne me suis pas ennuyée un seul instant. Walter Salles peint avec talent les paysages grand format, les beaux visages et les jeunes corps, l’urgence, la frénésie, la soif de vivre, bref l’atmosphère et les trouvailles du roman. 

Pendant deux heures et demie d’un "road-movie" solide, on voyage dans la vieille Hudson à côté des héros de "Sur la route". Les paysages défilent, les saisons passent, le temps s’échappe à gros bouillons comme la vie, contre la vitre du pare-brise qui, souvent, emplit tout l’écran, tandis que joue une musique différente. Le jazz se déforme, se contorsionne, cherche à sortir de lui-même. Les adolescents claquent la porte, découvrent la liberté, le sexe, la drogue et rêvent de brûler la vie par les deux bouts. Mélancolie. 

C'est ce qui rend le livre de Kerouac tellement universel, ce désir brûlant de l'adolescence prête à toutes les expériences pour affirmer sa liberté. On The Road se passe dans les années 50 mais on se rend rapidement compte que le temps importe peu, de même pour l'espace. 

Dans le film, Sal Paradise entame son voyage dans une benne remplie d'ouvriers, l'un d'entre eux lui demande : Tu vas quelque part en particulier ? ou tu vadrouilles simplement ? Et le héros lui répond : Je vadrouille. Point. 

L'important c'est le mouvement pas le point de chute ou le but. Avancer, multiplier les expériences, bousculer les interdits. Profiter de sa jeunesse à fond. La fureur de vivre. 

En visionnant On The Road - le film, j'y ai retrouvé les sensations (pas toutes mais une bonne partie) qui m'avaient habité il y a de ça 10 ans, lors de ma première lecture du livre, un livre qui a changé ma vie, ma façon de voir les choses, de percevoir le monde, qui m'a fait réfléchir, m'a donné le goût du voyage, la volonté d'explorer, d'être curieuse, de profiter de ce que l'on a et m'a appris que la liberté était l'une des choses les plus importantes au monde ... mais qu'il était difficile de la concilier avec responsabilités ... (la plume de Kerouac m'avait également sidérée). Une vraie claque. 

Je suis ressortie de la séance un peu sonnée ... avec comme une envie de partir sur les routes et d'écrire tout en écoutant du jazz ... 

Le film privilégie l'essence du voyage, l'amitié, les paysages, la fête. Beaucoup de critiques ont été faîtes à son encontre : trop long, aucune action, des dialogues plats. Il va sans dire que je ne suis pas d'accord. Pour ce qui est de la longueur du film, elle est plutôt compréhensible : le livre étant volumineux, il aurait été difficile de faire un film d'une heure et demi. Pour ce qui de l'absence d'action, une fois encore je ne suis pas d'accord. Il s'agit d'un film sur la quête de soi, la fuite de la société, l'initiation existentialiste et humaniste. Ce film regorge d'actions : mais elles se font discrètes parce qu'elles ont un lien direct avec les relations qu'entretiennent les personnages entre et avec leur notion de liberté. Je trouve les dialogues sensés et bien tournés, en dépit du fait que la classe de Kerouac n'y est pas forcément retranscrite. 

Le casting est renversant, je pense avant tout à Garrett Hedlund, épatant de justesse, et Sam Riley, parfait, (je pourrais l'entendre parler des heures ^^ sa voix rauque me fait fondre ^^ j'espère sincèrement que ce film lui permettra d'avoir le succès qu'il mérite, c'est un acteur très très talentueux) (Tom Sturridge est également très bon). La bande originale (géniale) permet une plongée encore plus profonde dans les 50's de Kerouac. 

En définitive, cette adaptation cinématographique d'On The Road est pour moi une très bonne adaptation du livre de Kerouac, Walter Salles n’avait visiblement pas l’intention de révolutionner le cinéma, d’y faire la même irruption sidérante que le livre en son temps en littérature. Son projet n’était pas celui-là : plutôt que l’adaptation flamboyante d’un roman autobiographique, il livre en fait un biopic soigné (décors, ...) et fidèle, celui des personnages qui avaient inspiré l’écriture. Et c’est une réussite ! Le film se termine avec le fameux rouleau sur lequel Jack Kerouac (Sal Pradise) achève la rédaction de son chef-d’œuvre. On sort ainsi avec dans l’oreille les derniers mots du roman, le beat parfait de Kerouac, sa voix scandant sur la machine : je pense à Dean Moriarty, je pense à Dean Moriarty !. Malgré quelques raccourcis ou oublis (le refus de rentrer dans le rang par exemple est un peu trop en retrait) et une réalisation parfois un peu froide (le travail sur le son en revanche est assez dingue), Salles s'en est extrêmement bien sorti, mes félicitations ! 

Mean And Evil Blues by Dinah Washington on Grooveshark
I've Got The World On A String by Ella Fitzgerald on Grooveshark


ON THE ROAD (basé sur le livre de Jack Kerouac), WALTER SALLES, 23 mai 2012 >> 4/5


Neal Cassadi (Dean Moriarty) & Jack Kerouac (Sal Paradise)




Extraits du hors série Trois Couleurs consacré à Sur La Route (film + livre)
Je trouve personnellement la Beat generation tout à fait fascinante, je ne pense pas, malheureusement, qu'un tel mouvement pourrait voir le jour à notre époque ...

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