vendredi 24 février 2012

AMERICAN PSYCHO - BRET EASTON ELLIS



Patrick Bateman est un jeune homme riche, beau et intelligent. All it comes down to is this: I feel like shit but look great. Un golden boy de Wall Street à qui tout réussit. Il est par ailleurs parfaitement au fait des techniques de nettoyage et désincrustage de la peau les plus efficaces, il s'applique les meilleures crèmes pour le visage, ne porte que des vêtements de grands couturiers, utilise les derniers gadgets technologiques et passe ses soirées au Tunnel, la boîte branchée du moment. Bien sûr, tous ses amis sont comme lui. La seule différence, c'est qu'en plus Patrick Bateman viole, torture et tue. Mais il ne ressent jamais rien. Juste une légère contrariété lorsque ses scénarii ne se déroulent pas exactement comme prévu. 

Cela faisait longtemps que je souhaitais lire ce livre et c'est désormais chose faite. Je ne vais pas y aller par 4 chemins : âmes sensibles s'abstenir ... il faut en effet pour tenir la distance avoir le coeur bien accroché ...

Patrick Bateman, 26 ans,  fréquente les endroits où il faut se montrer, sniffe quotidiennement da ligne de coke, et surtout ne se pose aucune question. parfait yuppie des années 80, le jour il consomme. Mais la nuit, en serial killer, ... I like to dissect girls. Did you know I'm utterly insane? 

Bret Easton Ellis n'entre pas immédiatement dans le vif du sujet à savoir la nature psychotique de son personnage  (il ne s'attarde cependant jamais vraiment sur les événements à l'origine de ses pulsions destructrices), prenant soin de mettre en place une certaine ambiance oppressante et superficielle à la fois. Ce n'est qu'aux alentours de la 180ème page et ce même si quelques allusions (Bateman est capable de citer Ted Bundy ou Charles Bronson au milieu des conversations les plus anodines,  ...When I see a pretty girl walking down the street I think two things. One part of me wants to take her out and talk to her and be real nice and sweet and treat her right. I stop finish my J&B in one swallow. What does the other part of him think? Hamlin asks tentatively. What her head would look like on a stick ) parsèment précédemment le récit que le premier meurtre survient. Un meurtre horrible qui ne fait que préfigurer les atrocités que va commettre par la suite Bateman influencé notamment par sa consommation toujours plus importante de stupéfiants et d'alcool.

Les scènes de torture, de sexe et d'assassinat sont particulièrement crues, sanglantes et violentes à la limite de l'insoutenable (j'ai pourtant en général un seuil de tolérance assez élevé), Bateman s'attaque à des prostituées, des amis, des clochards et même des enfants ... (ceux en fait qu'il considère comme inutiles à la société ... No one would notice I was gone. No... one... would... care. In fact some, if they noticed my absence, might feel an odd, indefinable sense of relief. This is true: the world is better off with some people gone. Our lives are not all interconnected. That theory is crock. Some people truly do not need to be here.) , il tue, viole, tronçonne, décapite, il se livre à des sévices d'un sadisme extrême, à des actes de cannibalisme ...  il ne connaît pas les états d'âme, sauf lorsque son brushing laisse à désirer (true story)


I had all the characteristics of a human being—flesh, blood, skin, hair—but my depersonalization was so intense, had gone so deep, that my normal ability to feel compassion had been eradicated, the victim of a slow, purposeful erasure. I was simply imitating reality, a rough resemblance of a human being, with only a dim corner of my mind functioning 
ces scènes racontées d'une froideur souvent clinique contrastent évidemment énormément avec les descriptions vestimentaires, les inventaires des soins esthétiques, les longues analyses musicales sur Genesis ou Whitney Houston etc montrant bien l'artificialité du "héros". Bateman fait preuve d'un raffinement excessif que ce soit pour soigner son apparence ou pour satisfaire ses pulsions meurtrières.


La plume de Breat Easton Ellis est remarquable en ce qu'il prend le point de vue de Bateman et décrit avec minutie (et cynisme) son quotidien, quotidien a priori normal (malgré ses habitudes obsessionnelles presque risibles, cette excuse de devoir rapporter des cassettes au vidéo club que Patrick utilise à chaque fois qu'il veut s'éclipser ou encore le Patty Winter’s Show que regarde Patrick Bateman tous les matins. Show racoleur aux sujets douteux. « Rambo existe, je l’ai rencontré », « Eventualité d’une guerre nucléaire », « Les grosses poitrines » ) mais entrecoupé d'intenses moments de folie dont on ne sait finalement s'ils sont réels ou imaginés (ses "amis" l'appellent parfois par un autre nom, lui-même, dans un passage particulièrement délirant, parle de lui à la troisième personne avant de revenir à son personnage, sa rencontre avec le détective privé, la course poursuite avec la police dont il réchappe on ne sait comment  ...) .

La sauvagerie, le manque d'humanité (ce petit jeux cruel auquel se livrent Patrick et ses amis et qui consiste à humilier les clochards en leur faisant miroiter un billet ou en leur lançant une remarque qui se veut drôle, ...) peuvent se dissimuler sous de beaux atours (comme c'est d'ailleurs le cas bien plus souvent qu'on ne l'imagine), on se demande à chaque fois si une telle chose pourrait se produire demain ... existe-t-il vraiment de tels individus sur cette planète ? est-ce la société qui les pousse à de tels actes ? 


American Psycho n'a ni début, ni milieu, ni fin mais n'en demeure pas moins puissant dans son propos.

On peut y voir une critique du capitalisme, de l'American Way of Life qui sous ses allures de rêve cache une multitude de vices et représenté à merveille par la double personnalité de Bateman, à la fois tueur en série et "gentil garçon" et de tous les dysfonctionnements de l'Amérique de Reagan. La quête de la perfection est permanente, il faut toujours avoir plus (et non pas être), quant au concept-même d'identité, il ne signifie plus rien : tous les habitués de Wall Street qui gravitent autour de Bateman sont identiques, parfois difficilement dissociables, souvent confondus les uns avec les autres (il n'est pas rare qu'on prenne Bateman pour un autre et inversement), tous habillés pareils et s'intéressant tous aux mêmes choses (la mode, l'argent, la drogue, les boites de nuits branchées, les restaurants huppés et, parfois, la musique dans ce qu'elle a de plus plate et, souvent, de commercial)... Un des passages clés du livre synthétise toute la problématique de l'identité lorsque Bateman et certaines de ces connaissances comparent successivement leurs cartes de visites les uns avec les autres ... 

American Psycho n'est pas un chef d'oeuvre de littérature en soi (bien que le style soit acéré et le rythme vif) mais il est clair qu'il n'a pas volé sa réputation de roman culte, il a fait scandale lors de sa sortie et on comprend pourquoi encore aujourd'hui .... Un livre extrêmement dérangeant (quelques cauchemars en perspective) et fascinant que je conseille fortement mais qui n'est bien évidemment pas à mettre entre toutes les mains ...


AMERICAN PSYCHO, BRET EASTON ELLIS (date de sortie : 1991) >> 4/5

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